mardi 20 octobre 2015

Les caresses blessantes

Je n'ai jamais connu personne dont les gestes d'affection fassent aussi systématiquement mal.

Je me souviens de cette époque où j'avais une fissure au lobe de l'oreille, parce qu'en me caressant le visage à chaque fois tu le faisais rouler en me l'arrachant un peu, rouvrant la blessure qui ne cicatrisait pas. Tes caresses sur mon visage étaient un peu fermes, bien sûr.

De ta main posée sur mon bras, mais avec une pression des doigts si dure que tu me broyais les os et les nerfs.

Des tout débuts de notre relation, où j'appréhendais tes étreintes parce que tu me serrais très fort, non au niveau des épaules, mais au niveau de la nuque, que je sentais mes vertèbres craquer dans l'étranglement, et que souvent j'en ressentais ensuite des douleurs pendant plusieurs jours.

Combien de fois, au lit, tu as bougé ta jambe sur la mienne à la manière d'un archet en appuyant très fort, faisant rouler les muscles sous ma peau d'une manière qui m'était très douloureuse, j'avais beau te le dire, tu recommençais toujours et c'est moi qui étais pénible.

Et puis il y a eu cette longue période où après l'amour, encore en moi, tu faisais un certain mouvement qui t'était sans doute agréable, mais me faisait hurler de douleur. J'avais exprimé cela clairement. Tu savais exactement de quel mouvement il s'agissait. Mais il a bien fallu un an pour que tu arrêtes de le faire - peut-être pas chaque fois, mais suffisamment souvent pour que chaque fois je l'appréhende sans pouvoir l'empêcher.

C'est pas possible d'être en permanence en train de craindre les gestes d'affection physique de la personne que l'on aime. C'est un cauchemar.

Bien sûr, cela arrive de faire mal à quelqu'un en voulant le ou la caresser, cela arrive d'être maladroit. Mais toutes tes caresses étaient minées. Et au lieu de faire ce qui se fait d'ordinaire dans ce genre de situation - on s'excuse, et on arrête le geste - toi au contraire tu me mettais la pression pour continuer, tu te plaignais que j'étais trop douillette, qu'on ne pouvait pas me toucher, que j'étais pénible, que je ne t'aimais pas. ça te donnait un argument pour limiter les gestes affectueux, évidemment, puisque j'étais si intouchable. Et puis c'était une manière efficace de me faire culpabiliser.

Isolée dans la privation de contact physique, et pourtant craignant que tu me touches. Désirant les caresses, craignant les coups.

Ainsi la plupart de tes caresses étaient des pièges. De même, dans beaucoup de tes propos, une pointe était cachée, et de la même manière que pour les caresses, il ne fallait surtout pas que je la relève, il ne fallait pas que je m'en plaigne, sinon c'était l'amorce qui allait te permettre, des heures durant, de m'adresser reproches et culpabilisation.

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